Réf. : OL DZA 12/2021 (Sur l’article 87 Bis en Algérie)

PALAIS DES NATIONS • 1211 GENEVA 10, SWITZERLAND

Mandats de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste; du Groupe de travail sur la détention arbitraire; de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression; du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme

PDF | Réf. : OL DZA 12/2021
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Excellence,

27 décembre 2021

Nous avons l’honneur de nous adresser à vous en nos qualités de Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste; de Groupe de travail sur la détention arbitraire; de Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression; de Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et de Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, conformément aux résolutions 40/16, 42/22, 43/4, 41/12 et 43/16 du Conseil des droits de l’homme.

À cet égard, nous vous proposons des commentaires et suggestions à propos de certains textes de loi en rapport avec le domaine sécuritaire et la lutte antiterroriste récemment approuvés, en particulier l’Ordonnance n° 21-08 modifiant et complétant l’Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant Code pénal et la loi n° 20-06 du 22 avril 2020 modifiant également le Code pénal.

Nous craignons que l’adoption et l’application de ces textes législatifs puissent entraîner des atteintes importantes aux droits de l’Homme et aux libertés fondamentales, notamment le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, le droit à la sécurité de la personne et au procès équitable, tels qu’établis dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le « PIDCP »), ratifié par l’Algérie le 12 septembre 1989.

Nous rappelons au Gouvernement de votre Excellence que les dispositions pertinentes des résolutions 1456 (2003), 1566 (2004), 1624 (2005), 2178 (2014), 2341 (2017), 2354 (2017), 2368 (2017), 2370 (2017), 2395 (2017), 2396 (2017), 2462 (2019) et 2482 (2019) du Conseil de sécurité ; ainsi que la résolution 35/34 du Conseil des droits de l’Homme et les résolutions 72/123, 72/180, 72/284 et 73/174 de l’Assemblée générale exigent que toute mesure prise pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent, y compris l’incitation et le soutien à des actes terroristes, soit conforme aux obligations des États en vertu du droit international.

Sur cette même ligne, nous souhaitons également faire référence à la résolution 22/6 du Conseil des droits de l’Homme, qui demande instamment aux États de veiller à ce que toute mesure visant à lutter contre le terrorisme et à préserver la sécurité nationale soit conforme aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international et n’entrave pas le travail et la sécurité des individus, des groupes et des organes de la société engagés dans la promotion et la défense des droits de l’Homme.1

Nous sommes pleinement conscients du fait que le terrorisme constitue un sérieux défi pour l’Algérie, ainsi que comme pour d’autres pays de la région et du monde. Nous tenons néanmoins à souligner que la lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’Homme ne sont pas des objectifs concurrents mais complémentaires qui se renforce mutuellement, comme l’a reconnu unanimement l’Assemblée générale des Nations Unies dans la stratégie mondiale de lutte contre le terrorisme.2

Contexte dans lequel ces textes de loi ont été adoptés :

Le 22 avril 2020, le projet de loi n° 20-06 modifiant le Code pénal a été présenté par le gouvernement algérien devant le parlement pour un débat dit «restreint», en raison de la pandémie de COVID-19. Après le vote des parlementaires, le texte a été approuvé et la loi est entrée en vigueur le 29 avril 2020 suite à sa publication au journal officiel. Ce texte normatif vient compléter la loi no 12-06 de 2012 relative aux associations, leur financement et la diffusion de « fausses nouvelles ».

Le 30 mai 2021, le Président de la République a adopté en conseil des ministres deux ordonnances :

– L’Ordonnance n° 21-08, qui modifie et complète l’Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant Code pénal, notamment les dispositions portant sur la répression des actes terroristes.

– L’Ordonnance n° 21-09, qui traite de la protection des informations et des documents administratifs.

Afin de contrôler la constitutionnalité des deux ordonnances en question, le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 juin 2021. À la suite d’une délibération de trois jours, ce conseil a estimé que, tant sur la forme que le fond, les dispositions des deux textes correspondaient au texte législatif fondamental de l’Algérie.

Étant donné que l’Assemblée Populaire Nationale (APN) a été dissoute le 1er mars 2021 par le président, ces textes n’ont fait l’objet d’aucun débat parlementaire. La société civile a aussi été tenue à l’écart de toute discussion sur ces sujets.

Par ailleurs, selon les informations reçues, et depuis 2019, un nombre croissant de militants, journalistes et défenseurs des droits humains ayant joué un rôle dans le mouvement de protestation ont été poursuivis en justice sous des accusations liées au terrorisme. Le Haut Conseil à la sécurité nationale, organe consultatif chargé de conseiller le Président de la République sur les questions de sécurité, a également qualifié de terroristes certains groupes participant au mouvement du Hirak.

Du fait de ces circonstances, plusieurs experts en droits de l’Homme des Nations unies ont condamné l’usage croissant des lois sécuritaires pour poursuivre en justice des personnes exerçant légitimement leurs droits à la liberté d’opinion et d’expression, ainsi qu’à la liberté de réunion et d’association pacifiques.3

Préoccupations relatives à la compatibilité de la législation antiterroriste de l’Algérie avec le droit international

Définition de terrorisme :

L’article 2 de l’Ordonnance n° 21-08 introduit deux paragraphes supplémentaires à l’article 87 bis du Code pénal qui définit ainsi le crime de terrorisme :

Est considéré comme acte terroriste ou sabotage, tout acte visant la sûreté de l’Etat, l’unité nationale et la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par toute action ayant pour objet de :

1) à 13) (sans changement) ;

œuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ;

porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’inciter à le faire, par quelque moyen que ce soit ».4

Bien qu’il n’existe pas de définition universellement acceptée du terrorisme, le mandat de la rapporteuse spécial sur la promotion et la protection des droits de l’Homme dans la lutte antiterroriste a élaboré une définition modèle basée sur les conventions internationales et les résolutions des Nations Unies qui souligne que la définition du terrorisme et des crimes connexes doit être « accessible, formulée avec précision, non discriminatoire et non rétroactive ». Selon cette définition, pour qu’une infraction soit qualifiée comme un « acte terroriste », conformément aux bonnes pratiques du droit international, trois éléments doivent être cumulativement présents : (a) les moyens utilisés doivent être mortels ; (b) l’intention de l’acte doit être de susciter la peur au sein de la population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou à s’abstenir de faire quelque chose ; et (c) l’objectif doit être de promouvoir un objectif idéologique.5 De l’avis des experts, la définition avancée par le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste reflète les meilleures pratiques internationales en matière de lutte contre le terrorisme.

Le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme a systématiquement souligné les dangers de définitions vagues et élargies du terrorisme dans le droit national qui ne sont pas conformes aux obligations énoncées dans les traités internationaux,6 et a maintes fois soutenu que le « terrorisme », les « terroristes » et les « crimes terroristes » doivent être limités à l’objectif de la lutte contre le terrorisme et définis de manière précise. À cet égard, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1566, a défini le terrorisme comme englobant :

Les actes criminels, notamment ceux dirigés contre des civils dans l’intention de causer la mort ou des blessures graves ou la prise d’otages dans le but de semer la terreur parmi la population, un groupe de personnes ou chez des particuliers, d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire, qui sont visés et érigés en infractions dans les conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme (…).7

Nous sommes préoccupés par le fait que la définition de « terrorisme » telle qu’elle figure dans cette nouvelle version de l’article 87 bis du Code pénal, n’est pas en conformité avec les définitions susmentionnées avancées par le Conseil de sécurité et le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.

En effet, l’utilisation de la conjonction « ou » reliant et assimilant les termes « terrorisme » et « sabotage » dans la première partie de l’article, ajoute un facteur d’ambiguïté à une définition qui est déjà très large, ce qui va à l’encontre de la demande expresse de précision et de clarté dans ce domaine juridique. En outre, l’article tel qu’il est désormais rédigé avec cette nouvelle modification, ne parvient pas à répondre à chacun des trois éléments susmentionnés proposés par la Rapporteuse spéciale pour bien cerner la définition de terrorisme. Effectivement, les moyens meurtriers ne sont pas pris en compte ; le but de manipuler et de semer la peur n’est qu’optionnel car il fait partie des possibilités énumérées suite au paragraphe principal ; et l’aspect idéologique n’est pas clairement énoncé.

Ainsi, la rédaction actuelle de l’article peut permettre aux autorités de poursuivre en justice sur des accusations liées au terrorisme des individus ayant commis des crimes non létaux. Parmi les possibilités énoncées par l’article il y a : l’entrave à la circulation ou la liberté de mouvement, l’occupation des places publiques, l’atteinte aux symboles de la Nation et aux moyens de communication, la profanation des sépultures et la dégradation des installations. Cette myriade d’options soulève de vives inquiétudes quant à leur nécessité et leur proportionnalité, deux principes fondateurs du droit international des droits de l’Homme, et éloigne la législation nationale des principes de base contenus dans les traités internationaux sur le terrorisme, la résolution 1566 du Conseil de sécurité des Nations unies, et la définition modèle d’actes de terrorisme mentionné antérieurement. À cet égard, nous rappelons que les crimes qui n’ont pas la qualité de terrorisme, quelle que soit leur gravité, ne doivent pas être traités par la législation antiterroriste. Nous notons que l’approche cumulative utilisée dans la définition modèle mentionnée ci-dessus agit comme un paramètre de sécurité pour garantir que seul un comportement de nature véritablement terroriste puisse être identifié comme tel au regard du droit et de la pratique des États.8

De plus, l’inclusion de la formule «moyens non constitutionnels» dans l’article 87 bis pourrait aussi avoir un impact nuisible sur les libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique, compte tenu du contexte socio-politique algérien actuel. Cette expression pourrait effectivement être employé à l’encontre de militants et manifestants non violents cherchant à faire avancer leur mouvement et leurs revendications par des canaux autres que ceux proposés par le cadre institutionnel établi par les autorités. Toute critique ou opposition au système de gouvernance tel qu’établi par la Constitution de 2020 pourrait potentiellement être soumise au champ d’application de cet article.

Le caractère imprécis de cette définition et les répercussions négatives que celle-ci pourrait avoir en matière de droits fondamentaux ont déjà été mis en exergue en 2018 à travers l’examen du quatrième rapport périodique de l’Algérie. À cette occasion, le Comité des droits de l’Homme avait souligné dans ses Observations finales que cette définition pourrait permettre « la poursuite de comportements qui peuvent relever de la pratique de l’exercice de la liberté d’expression ou de rassemblement pacifique ». Le Comité, après avoir exprimé son inquiétude face aux allégations faisant état de l’utilisation détournée des normes antiterroristes pour poursuivre des défenseurs des droits humains ou des journalistes, a recommandé au Gouvernement de votre Excellence de réviser cet article pour l’adapter aux bonnes pratiques du droit international.9 Nous regrettons que la nouvelle rédaction aille dans la direction opposée aux recommandations émises par le Comité.

Instauration de la liste nationale des personnes et entités terroristes :

L’Ordonnance 20-08 introduit, par son article 3, l’article 87 bis 13 dans le Code pénal, prévoyant qu’ :

« Il est institué une liste nationale des personnes et entités terroristes qui commettent l’un des actes prévus à l’article 87 bis du présent code, qui sont classifiées « personne terroriste » ou « entité terroriste », par la commission de classification des personnes et entités terroristes, appelée ci-après la « commission ».

Aucune personne ou entité, n’est inscrite sur la liste mentionnée au présent article, que si elle fait l’objet d’enquête préliminaire, de poursuite pénale, ou dont la culpabilité est déclarée par un jugement ou un arrêt.

Il est entendu par entité au sens du présent article, toute association, corps, groupe ou organisation, quelle que soit leur forme ou dénomination, dont le but ou les activités tombent sous le coup des dispositions de l’article 87 bis du présent code.

La décision d’inscription sur la liste nationale est publiée au Journal officiel de la République algérienne, démocratique et populaire. Cette publication vaut notification des concernés, qui ont le droit de demander, leur radiation de la liste nationale, à la commission, trente (30) jours à partir de la date de publication de la décision d’inscription.

La commission nationale peut radier toute personne ou entité de la liste nationale, d’office ou à la demande de la personne ou de l’entité concernée, lorsque les motifs de son inscription ne sont plus justifiés.

Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire ».

Les listes de « terroristes » sont une pratique ayant été adoptée par le Conseil de sécurité, par des organismes régionaux et par un certain nombre d’États. Cette pratique d’inscription sur des listes est, depuis quelques années, une préoccupation constante pour les Procédures spéciales.10 Ils ont en effet constaté qu’actuellement, des activistes, des défenseurs des droits humains, la société civile, des journalistes et d’autres individus entreprenant des activités légitimes risquent de tomber sous le coup de cette criminalisation trop large. Ces derniers pourraient ainsi être inscrits ultérieurement sur une liste qui pourrait restreindre et porter atteinte à leur jouissance des droits et libertés de manière absolue, y compris l’exercice de la liberté d’expression, d’opinion, d’association et de réunion, ainsi que l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels, notamment le droit au travail11, le droit à un logement adéquat12 et le droit à l’éducation13. Ceci pourrait également porter atteinte à un certain nombre de droits de l’Homme, particulièrement pour ce qui relève du droit à un procès équitable.14 Certains principes et garanties de base devraient être respectés et appliqués pour faire en sorte que les procédures d’inscription sur la liste soient conformes aux normes généralement acceptées en matière de droits de l’Homme.

Tout d’abord, il faut souligner l’importance de respecter le principe de légalité et de sécurité juridique à chaque fois qu’il est fait référence au terrorisme ou à des groupes terroristes. Tous les organes exécutifs internationaux et nationaux chargés d’inscrire des groupes ou des entités sur des listes devraient être liés par une définition claire et précise de ce qui constitue des actes terroristes et des groupes et entités terroristes. Nous craignons que le contenu du nouvel article 87 bis du Code pénal, que nous avons déjà examiné, ne soit pas de nature à respecter ce besoin de clarté conceptuelle.

Deuxièmement, les États doivent respecter les principes de proportionnalité et de nécessité. L’une des principales questions dans ce contexte est de savoir si la pratique de l’inscription sur une liste est réellement une mesure temporaire. Pour s’assurer qu’elle l’est, et qu’elle le reste, il est nécessaire d’imposer la révision des noms y figurant après un délai raisonnable, par exemple après 6 ou 12 mois. Une telle révision périodique impliquerait que, pour les groupes ou entités restant sur la liste, la mesure a été jugée encore nécessaire et a été étayée par des preuves. Sans ces garanties, les listes pourraient devenir illimitées dans le temps, faisant ainsi des sanctions temporaires, telles que le gel des fonds équivalant à la confiscation des fonds, des mesures permanentes. Nous rappelons au Gouvernement de Votre Excellence que la confiscation des fonds demeure une sanction pénale très grave qui exige des garanties procédurales appropriées.15

Une autre exigence est l’obligation pour les États de traduire tout prévenu en justice, afin de proscrire les groupes ou entités figurant sur les listes et de sanctionner les individus qui sont membres de ces groupes ou entités ayant des liens avec le terrorisme. Si de telles preuves existent – comme cela devrait être le cas pour l’inscription sur les listes – les États ont l’obligation d’engager des poursuites, afin de clarifier le statut de ces groupes ou entités. Toutefois, une telle inscription sur les listes ne devrait pas être considérée comme une preuve en soi pour les procédures judiciaires en question. Les États doivent recourir aux règles et normes de preuve habituelles. En outre, toutes les garanties procédurales liées à un procès équitable doivent être respectées. C’est pourquoi, il est nécessaire qu’après la mise en œuvre de la procédure d’inscription immédiate et temporaire sur la liste, les États soient obligés de convertir la mesure temporaire en une mesure plus durable par le biais de poursuites judiciaires – ce qui prend certainement plus de temps – et de transformer les renseignements en preuves pouvant servir de base à des poursuites devant un tribunal. S’il est prouvé que les personnes ou entités inscrites sur les listes ont commis des actes terroristes, l’application de cette mesure temporaire ne remplit pas l’obligation continue d’un État de mener des poursuites pour des actes terroristes.16

L’inscription sur la liste doit être soumise à un certain nombre de garanties procédurales. La première est le droit d’être informé. Ce droit englobe le droit d’être informé de l’inscription sur une liste, d’une éventuelle procédure de radiation, de l’existence d’exemptions humanitaires et de la manière de les obtenir, et des raisons de l’inscription sur la liste. Le droit d’être informé des motifs de l’inscription est une condition préalable à une contestation motivée et argumentée de cette inscription.17 Tel qu’il est rédigé, le nouvel article 87 bis permettrait que des personnes ou des entités soient publiquement désignées comme « terroriste » en l’absence de jugement mené à terme, ce qui est contraire au principe de présomption d’innocence tel que prescrit par l’article 14 (2) du PIDCP et à d’autres dispositions relatives aux procès équitables contenues dans ce Pacte18 et dans la DUDH19.

Étant donné que c’est l’État qui l’impose et que ses conséquences sont d’une gravité considérable, l’inscription des personnes physiques ou morales sur une liste du type décrit par la loi en question peut constituer une peine lato sensu. Par conséquent, il ne devrait pas être possible de l’imposer avant que les faits soient établis devant une instance judiciaire et que la sentence correspondante ne soit prononcée par le tribunal compétent. Cependant, l’article 87 bis 13 tel qu’énoncé par l’Ordonnance 20-08, permet que le simple commencement d’une enquête préliminaire puisse avoir comme effet l’ajout d’une personne sur la liste de « terroristes ». Cette disposition pourrait ainsi porter atteinte à la présomption d’innocence, l’un des principes du procès équitable prescrit par l’article 11 de la DUDH et 14 du PIDCP.

Pour les entités et les personnes qui ont été placées à tort sur lesdites listes, soit parce que les renseignements sur lesquels l’ajout était basé étaient incorrects, soit parce que le nom sur la liste est un acronyme ou mal orthographié, une compensation ou une restitution devrait être disponible, conformément à la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir. Cette dernière prévoit que les États ont l’obligation de fournir une réparation aux victimes de crimes et d’abus de pouvoir20.

Enfin, il est important de rappeler l’absolue nécessité de veiller à ce que des exemptions aux sanctions – en particulier le gel des fonds – existent pour des raisons humanitaires.21 Ceci, afin de garantir que les organisations non gouvernementales et autres organisations à but non lucratif avec des projets de protection des droits économiques ou sociaux fondamentaux puissent continuer à opérer.21

Création de la Commission chargée de la liste de personnes et entités terroristes :

L’Ordonnance 21-08 charge une commission de la classification des personnes et entités terroristes, sans fournir des précisions sur sa composition, ses responsabilités, les sanctions qu’elle peut imposer ou ses moyens d’agir. Le Décret exécutif n° 21-384 du 7 octobre 2021 – fixant les modalités d’inscription et de radiation de la liste nationale des personnes et entités terroristes et des effets qui en découlent – vient combler cette lacune.

L’article 4 de ce décret statue que la commission sera intégrée par :

  • –  Le ministre chargé des affaires étrangères ou son représentant
  • –  Le ministre de la justice, garde des sceaux ou son représentant
  • –  Le ministre des finances ou son représentant
  • –  Le représentant du ministère de la défense nationale
  • –  Le commandant de la gendarmerie nationale
  • –  Le directeur général de la sûreté nationale
  • –  Le directeur général de la sécurité intérieure
  • –  Le directeur général de la documentation et de la sécurité extérieure
  • –  Le directeur général de l’organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication
  • –  Le président de la cellule de traitement du renseignement financier A la lumière de ces dispositions, nous constatons que tous les membres de la commission sont soumis au pouvoir exécutif et viennent, pour la plupart, des organes sécuritaires de l’État. Il semblerait qu’aucun représentant du pouvoir judiciaire, du pouvoir législatif ou de la commission nationale des droits de l’Homme n’a vocation à intégrer ladite commission.

Par ailleurs, nous nous permettons d’exprimer notre inquiétude sur le fait qu’aucune disposition du décret ne fasse référence à un contrôle judiciaire ou législatif sur les activités de ladite commission. En l’absence d’une modification de la législation, il n’y aurait donc pas de recours judiciaire possible face aux décisions de cet organe. Il est également préoccupant que le décret n’accorde pas de rôle au pouvoir législatif dans les procédures de nominations du président et des autres membres de la commission dont la désignation est circonscrite au pouvoir exécutif.

Nous sommes inquiets que ce cadre législatif puisse être susceptible de donner lieu à des abus et permettre la prise de décisions arbitraires. Nous rappelons ici que la notion d’« arbitraire » ne doit pas être assimilée à « contraire à la loi » mais doit être interprétée plus largement comme incluant des éléments d’inadéquation, d’injustice, de manque de prévisibilité et de respect du droit22, ainsi que des éléments de caractère raisonnable, de nécessité et de proportionnalité.23

L’article 25 du décret prévoit que « [l]a personne ou l’entité inscrite sur la liste est interdite de toute activité quelle qu’en soit la nature ». La saisie et le gel de fonds, ainsi que l’interdiction de voyager sont aussi inclues parmi les sanctions à imposer aux personnes et entités listées. Aucune autorisation judiciaire n’est requise pour mettre en place ces sanctions pourtant sévères. De plus, le procureur n’est informé de ces mesures qu’a posteriori.

Par ailleurs, l’article 22 stipule que « la publication au Journal officiel de la décision d’inscription sur la liste, vaut notification » et que l’exécution des sanctions correspondantes peut suivre immédiatement. A partir de la date de la publication, la personne ou l’entité concernée dispose de 30 jours pour demander sa radiation à la commission. Le droit des individus et entités à un recours effectif est ainsi sérieusement limité par l’exiguïté des délais, par l’absence de notification individuelle et par le fait que les éventuelles plaintes seront déposées devant le même organe duquel émanent les décisions contestées.

Cette absence de recours légal ne porte pas seulement atteinte au système judiciaire de l’Algérie, mais contrevient également aux normes internationales en matière de procédure équitable, notamment celles contenues dans l’article 14 du PIDCP et les articles 8, 9, 10 et 11 de la DUDH.

Entraves à la liberté d’expression

Nous aimerions rappeler au Gouvernement de Votre Excellence que les seuls objectifs légitimes pour pouvoir restreindre la liberté d’expression et de réunion pacifique sont énumérés dans les articles 19 (3) et 21 du PIDCP, et sont (1) la protection de la sécurité nationale ; (2) la protection de l’ordre public ; ou (3) la protection de la santé publique ou la morale ; et dans le cas de la liberté d’expression, (4) le respect aux droits ou à la réputation d’autrui.

Nous comprenons que le motif principal du projet de loi est de répondre aux nouveaux enjeux sécuritaires relatifs aux menaces terroristes et nous reconnaissons l’importance de faire face à la situation sécuritaire par la prise de mesures légales. Toutefois, nous rappelons au Gouvernement de Votre Excellence que lorsque l’objectif légitime de protection de la sécurité nationale est invoqué pour restreindre la liberté de réunion pacifique, la nature concrète de la menace, tout comme les risques spécifiques, doivent être démontrés individuellement (Lee c. République de Corée CCPR/C/1119/2002 par. 7.3). De surcroît, les restrictions prises en vue de protéger la sécurité nationale ne peuvent pas avoir pour effet d’empêcher la jouissance, totale ou partielle, de la liberté de réunion pacifique.

Nous attirons ainsi l’attention du Gouvernement de Votre Excellence sur le fait que certaines dispositions de la loi no 20-06 pourraient entrer directement en contradiction avec l’article 19 du PIDCP. En effet, cette loi durcit les sanctions stipulées dans l’article 144 du Code pénal prévoyant que « quiconque, dans l’intention de porter atteinte à leur honneur, à leur délicatesse ou au respect dû à leur autorité, outrage dans l’exercice de leurs fonctions ou à l’occasion de cet exercice, un magistrat, un fonctionnaire, un officier public, un commandant ou un agent de la force publique, soit par paroles, gestes, menaces, envoi ou remise d’objet quelconque, soit par écrit ou dessin non rendu public » s’expose à une peine d’emprisonnement allant de six mois à trois ans, par rapport aux deux mois à deux ans d’emprisonnement précédemment prescrits. Si c’est un Imam qui est visé par l’outrage, la peine peut atteindre jusqu’à trois ans de prison.

Le caractère vague du terme « outrage » peut porter une grave atteinte à la liberté d’expression dans la mesure où toute manifestation critique ou humoristique considérée comme pouvant nuire à l’honneur des magistrats, fonctionnaires, agents de la force publique ou Imams peut faire l’objet de poursuites et de sanctions.

Il convient de rappeler ici que le Comité des droits de l’Homme a indiqué que le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale. Toutes les personnalités publiques, y compris celles exerçant les plus hautes fonctions politiques, telles que les chefs d’État et de gouvernement, sont légitimement l’objet de critiques et d’oppositions politiques (Observation générale n° 34, para. 38). Dans le cas de l’Algérie, le Comité des droits de l’Homme a réitéré ses préoccupations quant aux articles 144 et 144 bis, alléguant qu’ils criminalisent ou rendent passibles d’amendes des activités liées à l’exercice de la liberté d’expression. À cette occasion, le Comité a exprimé son inquiétude quant aux allégations faisant état de l’utilisation de ces dispositions pénales aux fins d’entraver les activités de journalistes ou de défenseurs de droits de l’Homme (CCPR/C/DZA/CO/4).

La loi no 20-06 introduit aussi l’article 196 bis dans le Code pénal imposant une peine d’« emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de 100.000 DA à 300.000 DA, quiconque volontairement diffuse ou propage, par tout moyen, dans le public des informations ou nouvelles, fausses ou calomnieuses, susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics. » Nous sommes inquiets de l’absence de lien entre des informations « fausses » et les restrictions permises à l’article 19 (3) et à l’article 20 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, ce qui confère aux autorités un large pouvoir discrétionnaire. L’imprécision quant aux termes employés par cet article constitue une restriction disproportionnée à la liberté d’expression, d’autant plus que les peines prévues – un à trois ans d’emprisonnement – sont manifestement disproportionnées par rapport aux intérêts mal définis par cette loi. Cela ouvre la voie à des poursuites judiciaires contre des journalistes, des militants pacifiques ou toute personne partageant des contenus critiques, considérés a posteriori par les autorités comme étant « faux » et limitant ainsi tout débat public.

Il est opportun de rappeler ici le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la liberté d’opinion et d’expression (A/HRC/47/25) dans lequel elle a souligné que « le droit à la liberté d’expression s’applique à toute espèce d’informations et d’idées, y compris celles susceptibles de choquer, d’offenser ou de déranger, et sans considération de la véracité ou de la fausseté du contenu » (para. 38). De plus, dans la « Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et les fausses nouvelles « fake news », la désinformation et la propagande », le précédent Rapporteur spécial a relevé que « [l]es interdictions générales de diffusion d’informations fondées sur des notions vagues et ambiguës, en ce compris les « fausses nouvelles » ou les « informations non objectives », sont incompatibles avec les normes internationales relatives aux restrictions à la liberté d’expression (…), et devraient être abolies. »

Restrictions à la liberté d’association

La loi n°20-06 introduit également dans le Code pénal l’article 95 bis qui punit « d’un emprisonnement de cinq à sept ans et d’une amende de 500.000 DA à 700.000 DA, quiconque reçoit des fonds, un don ou un avantage, par tout moyen, d’un État, d’une institution ou de tout autre organismse public ou privé ou de toute personne morale ou physique, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’Etat, à la stabilité et au fonctionnement normal de ses institutions, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale, aux intérêts fondamentaux de l’Algérie ou à la sécurité et à l’ordre publics. La peine est portée au double, lorsque les fonds sont reçus dans le cadre d’une association, d’un groupe, d’une organisation ou d’une entente, qu’elle qu’en soit la forme ou la dénomination. »

Cet article 95 bis, aux termes particulièrement vagues, accorde aux autorités un pouvoir discrétionnaire considérable, leur permettant de poursuivre en justice des défenseurs des droits humains et autres activistes recevant des fonds étrangers. À titre illustratif, il suffirait que leurs activités de sensibilisation ou leurs critiques soient jugées comme une atteinte à l’unité nationale ou au fonctionnement normal des institutions par une autorité étatique pour que ceci donne lieu à une persécution pénale. Cette mesure constitue un obstacle à la coopération internationale entre associations ou avec d’autres organismes étrangers comme les universitaires ou les employés de centres de recherches.

Nous soulignons que les États doivent veiller à ce que la législation adoptée pour prévenir le financement du terrorisme n’entre pas en conflit avec leurs autres obligations internationales, notamment dans le domaine des droits de l’Homme. La société civile joue un rôle vital en canalisant les troubles sociaux, en facilitant un dialogue constructif avec les États et en érodant les facteurs qui conduisent à la radicalisation (A/HRC/40/52, par. 12). Par conséquent, garantir le plein exercice des droits à la liberté d’expression, d’association et de participation aux affaires publiques, est un aspect essentiel de toute stratégie efficace de lutte contre le terrorisme.

Ces restrictions sont d’autant plus dangereuses pour la liberté d’association que les organisations de la société civile sont déjà soumises à un régime juridique restrictif, en contradiction avec l’article 22 du PIDCP. Ainsi, nous rappelons les dernières observations finales du Comité des droits de l’Homme concernant l’Algérie dans lesquelles l’organe conventionnel avait exprimé ses préoccupations concernant̀ la loi n°12-06 du 12 janvier 2012 relative aux associations, dont les dispositions restrictives soumettent l’objet et le but des associations à de vagues principes généraux tels que l’intérêt général et le respect des constantes et des valeurs nationales, ainsi que conditionnent la coopération avec des organisations étrangères à l’accord préalable des autorités. (CCPR/C/DZA/CO/4, para. 47).

Dans un contexte où l’accès aux fonds nationaux est limité, les restrictions envisagées dans la législation en question ont le potentiel de porter un coup fatal à d’innombrables organisations qui dépendent de financements externes pour survivre. Consciente de cela, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme a également critiqué la manière dont la mise en œuvre des normes internationales sur la transparence et la prévention du financement des activités terroristes a servi à plusieurs États de prétexte pour soumettre les organisations non gouvernementales à des processus d’enregistrement compliqués et à des limitations d’accès aux fonds en provenance de l’étranger, mettant en péril l’existence de nombreuses entités qui dépendent exclusivement de ces contributions (A/HRC/40/52, par. 42). De plus, considérant que le droit d’accéder au financement est un élément essentiel de la liberté d’association, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association s’est prononcé contre les lois qui soumettent la réception de fonds de l’étranger à l’autorisation préalable de l’État (A/HRC/20/27, para. 69).

Observations finales :

Les textes législatifs ayant fait l’objet de cette communication semblent être en directe opposition avec les meilleures pratiques en matière de législation antiterroristes. Nous soulignons encore une fois que nous sommes pleinement conscients des problèmes de sécurité lié au terrorisme auxquels l’Algérie est confrontée mais nous sommes profondément inquiets par le fait que l’Ordonnance 21-08 et la loi no 20-06 manquent de précision nécessaire pour garantir que les mesures prises en vertu de celle-ci sont nécessaires et proportionnées. Nous recommandons donc au Gouvernement de Votre Excellence de réviser les dispositions décrites supra afin qu’ils soient en conformité avec les normes internationales des droits de l’Homme, à la lumière de nos commentaires et recommandations.

Nous réitérons particulièrement notre préoccupation quant à la définition d’actes terroristes adoptées par l’article 87 bis qui, en incluant dans la catégorie d’acte terroriste une large variété d’infractions entre en collision avec le principe de sécurité juridique, porte atteinte aux droits de réunion pacifique et à la liberté d’expression, et imposent également des sanctions disproportionnées à des actes qui ne devraient pas être traités par des législations antiterroristes. Dans ce contexte, nous tenons à souligner que le travail légitime et pacifique des défenseurs des droits humains ne doit jamais tomber sous le coup des législations antiterroristes ou autrement être criminalisé. Certains actes énumérés dans le nouvel article 87 bis du Code Pénal pourraient ainsi aboutir à des poursuites, en violation du droit international des droits de l’Homme. Ainsi, nous encourageons le Gouvernement de Votre Excellence à suivre l’approche utilisée dans la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et la définition proposée par la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, afin de s’assurer que seuls les comportements de nature véritablement terroriste soient désignés et poursuivis comme telle en vertu de la loi algérienne.

Nous rappelons également, dans ce contexte, l’importance du contrôle judiciaire ou législatif sur les organes exécutifs d’un Gouvernement, comme la Commission de classification des personnes et entités terroristes, afin d’éviter d’éventuels abus. En conséquence, nous appelons le Gouvernement de Votre Excellence à établir, en droit et en pratique, un contrôle judicaire ou législatif sur le fonctionnement et les activités de cette commission ainsi qu’à autoriser, dans le but de garantir un procès équitable, les recours contre ses décisions.

Nous encourageons donc un processus d’examen indépendant de tous textes pertinents, afin qu’ils soient plus clairement conformes aux normes internationales en matière de droits de l’Homme. Nous notons que les meilleures pratiques internationales encouragent les États à revoir régulièrement et de manière indépendante la législation antiterroriste pour s’assurer qu’elle reste nécessaire et conforme au droit international. Dans ce contexte, nous sommes à votre disposition pour vous proposer une assistance technique sur toute question soulevée dans la présente communication.

Comme il est de notre responsabilité, en vertu des mandats qui nous ont été confiés par le Conseil des droits de l’Homme, de solliciter votre coopération pour tirer au clair les cas qui ont été portés à notre attention, nous serions reconnaissants au Gouvernement de Votre Excellence de ses observations sur les points suivants :

  1. Veuillez nous fournir toute information ou tout commentaire complémentaire en relation avec les allégations susmentionnées.
  2. Veuillez fournir des informations sur les raisons expliquant la portée et l’étendue de ces textes de loi et sur la manière dont le Gouvernement de Votre Excellence considère qu’il respecte les principes de précision et de sécurité juridique énoncés dans le Pacte.
  3. Veuillez fournir des informations relatives à la définition et les suppléments de précision de la terminologie utilisée dans ces textes de loi au vu des remarques développées dans cette lettre, ceci, en vue de garantir une protection efficace des droits qui pourraient être impactés par ces textes de loi.
  4. Veuillez s’il vous plait fournir des informations sur les mesures prises et/ou que vous comptez prendre afin que les textes législatifs qui font l’objet de cette communication soient conforme avec les obligations de l’Algérie en vertu du droit international et conformément aux recommandations émises par le Comité des droits de l’Homme lors du quatrième rapport périodique de l’Algérie (CCPR/C/DZA/CO/4).
  5. Veuillez fournir des informations sur les mesures prises pour s’assurer que la mise en œuvre des dispositions de ces textes de lois ne portera pas atteinte aux droits de l’Homme, notamment au droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique et d’association, au travail légitime et pacifique des défenseurs des droits humains et au droit à un procès équitable.
  6. Veuillez fournir des informations détaillées sur la manière dont les activités antiterroristes du Gouvernement de Votre Excellence sont conformes aux résolutions 1373 (2001), 1456 (2003), 1566 (2004), 1624 (2005), 2178 (2014), 2341 (2017), 2354 (2017), 2368 (2017), 2370 (2017), 2395 (2017) et 2396 (2017) du Conseil de sécurité des Nations unies ; ainsi que la résolution 35/34 du Conseil des droits de l’Homme et les résolutions 49/60, 51/210, 72/123, 72/180 et 73/174 de l’Assemblée générale, en particulier en ce qui concerne le droit international des droits de l’Homme, le droit des réfugiés et le droit humanitaire qui y sont énoncés.

Cette communication, en tant que commentaire sur les lois, règlements ou politiques en instance ou récemment adoptés, ainsi que toute réponse reçue du Gouvernement de Votre Excellence, seront rendues publiques dans un délai de 48 heures sur le site internet rapportant les communications. Elles seront également disponibles par la suite dans le rapport habituel présenté au Conseil des droits de l’Homme.

Veuillez agréer, Excellence, l’assurance de notre haute considération.

Fionnuala Ní Aoláin
Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste

Miriam Estrada-Castillo
Vice-présidente du Groupe de travail sur la détention arbitraire

Irene Khan
Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression

Clément Nyaletsossi Voule
Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association

Mary Lawlor
Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme

  1. A/HRC/RES/22/6, PARA. 10 ; E/CN.4/2006/98, PARA 47. ↩︎
  2. A/HRC/60/288. ↩︎
  3. https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26243 ↩︎
  4. Ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant Code pénal.
    ↩︎
  5. A/HRC/16/51.
    ↩︎
  6. A/73/361, par. 34. ↩︎
  7. S/RES/1566 (2004), par. 3. ↩︎
  8. E/CN.4/2006/98, para 38. ↩︎
  9. Comité des droits de l’Homme, Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie, 17 août 2018, CCPR/C/DZA/CO/4. ↩︎
  10. AL EGY 8/2021. ↩︎
  11. Article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et article 23 de la
    DUDH. ↩︎
  12. Article 11 du PIDESC et article 25 de la DUDH ↩︎
  13. Article 13 et 14 PIDESC. Voir aussi le Commentaire général No. 13 (E/C.12/1999/10, 8 Décembre 1999) et article
    26 de la DUDH. ↩︎
  14. Opinion 77 du Groupe de travail sur la détention arbitraire « 2020 », paragraphe 41.
    Comité des droits de l’homme, Observation générale, 32 (CCPR/C/GC/32), para. 15 citant la communication n° 1015/2001, Peterer c. Autriche, paragraphe 9.2, qui précise que le droit à un procès équitable et public devant un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi peut également  » s’étendre à des actes de nature criminelle assortis de sanctions qui, indépendamment de leur qualification en droit interne, doivent être considérées comme pénales en raison de leur objet, de leur caractère ou de leur gravité « . ↩︎
  15. A/61/267, para. 33-34. ↩︎
  16. Ibidem, para. 36-37 ↩︎
  17. Ibidem, para. 38. ↩︎
  18. PIDCP, para. 14 (3) (a)-(f). ↩︎
  19. DUDH, articles 9, 10 et 11. ↩︎
  20. « Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus
    de pouvoir ». Adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 40/34 du 29 novembre 1985 ↩︎
  21. Voir les exemptions prévues par les résolutions du Conseil de sécurité 1452 (2002), para. 1 (a), 2253 (2015) et 2368 (2017). Voir également A/64/258, A/67/396, A/73/361 et A/HRC/34/61.
    22  A/75/337
    La Rapporteuse spéciale a déjà abordé la nécessité pour États et des organisations internationales, y compris le Conseil de sécurité, d’adopter des clauses d’exemption humanitaire qui exemptent sans ambiguïté les actions humanitaires de leurs mesures antiterroristes, en accordant l’immunité des régimes de contre-terrorisme et de contre le terrorisme et les régimes de sanctions à tous les individus et organisations engagés dans une l’action humanitaire (voir A/HRC/40/52, par. 21 et 22). ↩︎
  22. 1134/2002, Gorji-Dinka c. Cameroun, para. 5.1; 305/1988, Van Alphen c. Pays-Bas, para. 5.8. ↩︎
  23. CCPR/C/GC/35 16 décembre 2014, para 12. ↩︎