Le ministre de la justice souhaiterait déchoir de la nationalité tout citoyen qui, depuis l’étranger, « porte préjudice aux intérêts de l’État ».
Colère et stupéfaction. Parmi les Algériens vivant à l’étranger, l’émoi provoqué le 3 mars par l’annonce du gouvernement d’un projet de déchéance de nationalité visant certains de ces ressortissants se mesure à l’aune d’une disposition inédite dans l’histoire judiciaire du pays. Celle d’un nouveau texte liberticide vilipendé par l’opposition et les manifestants, ces derniers jours, en Algérie.
S’ils sont « indignés » ou « choqués », nombre d’entre eux ne semblent pourtant pas avoir été surpris par l’initiative de Belkacem Zeghmati, le ministre de la justice. En effet, celui-ci souhaite déchoir de la nationalité algérienne tout citoyen qui, depuis l’étranger, « porte volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’État ou […] porte atteinte à l’unité nationale ». A l’heure de la résurgence du Hirak, le mouvement de contestation contre le pouvoir, l’initiative du garde des sceaux est vue comme une manœuvre de l’Etat pour contrer la contestation. « Ce n’est pas un Etat, rectifie Lahouari Addi, professeur émérite de sociologie à l’Institut d’études politiques de Lyon. C’est un régime qui utilise les ressources de l’Etat pour faire ses opposants »
« C’est une menace à la cohésion nationale », s’insurgeait, au lendemain de l’annonce, l’ancien ministre et diplomate Abdelaziz Rahabi, une des nombreuses voix qui met en garde contre l’ouverture d’une boîte de Pandore aux conséquences lourdes. La déchéance ne concernait jusqu’ici que les personnes ayant acquis la nationalité algérienne. L’étendre aux Algériens d’origine consacrerait une rupture dans l’approche algérienne de la nationalité.
« Lier la nationalité à des prises de positions politiques est une violence faite à sa conception algérienne, issue du combat historique pour la libération », rappelle Madjid Benchikh, ancien doyen de la faculté de droit d’Alger, dans un entretien au quotidien El Watan.
Source: Le Monde
Déchéance de la nationalité en Algérie : le pouvoir retire son projet de loi controversé
Le projet prévoyait de déchoir toute personne commettant à l’étranger des actes portant « de graves préjudices aux intérêts de l’Etat ».
« Nous avons retiré le projet en raison de son interprétation erronée », a déclaré le président, Abdelmadjid Tebboune, lors d’une interview télévisée, dimanche soir. FATEH GUIDOUM / AP
Le texte avait provoqué la colère et la stupéfaction chez les Algériens vivant à l’étranger. Un projet de loi prévoyant la déchéance de la nationalité des Algériens de la diaspora a été « retiré », a annoncé, dimanche 4 avril, Abdelmadjid Tebboune, le président algérien.
« Nous avons retiré le projet en raison de son interprétation erronée », a déclaré le président, Abdelmadjid Tebboune, lors d’une interview télévisée. « La double nationalité ou la pluri-nationalité n’est pas un crime et nous respectons cela, car supposé apporter un plus au pays d’origine du concerné dans un climat empreint de nationalisme », a précisé M. Tebboune. « Cette procédure concernait uniquement la question de l’atteinte à la sécurité de l’Etat que nous défendrons d’une manière ou d’une autre », a-t-il ajouté.
Double nationalité tolérée par les autorités algériennes
Cet amendement au code de la nationalité a été présenté début mars, suscitant un tollé au moment où le mouvement de contestation antirégime, le Hirak, soutenu par une grande partie de la vaste diaspora algérienne, a repris ses manifestations hebdomadaires.
Le projet prévoyait de déchoir de sa nationalité algérienne « acquise ou d’origine » toute personne commettant à l’étranger des actes portant « volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’Etat » ou « qui » collabore avec un Etat ennemi.
En 2005, le Parlement avait voté à l’unanimité une ordonnance reconnaissant la double nationalité. Bien qu’interdite avant 2005, la double nationalité était cependant tolérée par les autorités algériennes, notamment pour les binationaux franco-algériens.
Source: Le Monde